Résumé du livre : Peu après son voyage en Alaska, sujet du précédent recueil, Jean- Claude Caër part pour le Japon afin de tenter d'y retrouver, écrit-il, « le visage de sa mère » qui vient de mourir. (Mais il s'agit aussi de relier, par-delà la mer d'Okhotsk et le Kamtchatka, le bout du monde des Aïnous du Japon à celui des Tlingits de l'Alaska.) Le poète donne le sentiment qu'il se coule sans aucune peine dans le genre du kikô, ces récits de voyage mêlant prose et poésie, si souvent pratiqués par les auteurs du pays qu'il va visiter et dont Bashô nous a donné les exemples les plus connus. Si son récit ne fait pas appel à la prose proprement dite, il alterne néanmoins des poèmes plus amples, narratifs, et d'autres, très brefs qui, sans se conformer à ses règles strictes, sont proches par l'esprit du haïku : « Dans les toilettes / Je me sèche les mains / Quinze secondes qui paraissent une éternité. » Plus encore, on peut dire de ces poèmes de Jean-Claude Caër ce qu'il écrit des films d'Ozu : « Il ne s'y passe presque rien, mais on y atteint la profondeur tout en transparence. » L'émotion est toujours là, mais tenue à distance, qu'il s'agisse du désir, auquel certains poèmes font allusion, ou plus souvent de la douleur du deuil, récurrente tout au long du recueil. Comme dans le cas de ses équivalents japonais, l'itinéraire parcouru, aussi concret soit-il, est aussi un voyage spirituel : le jeu entre le tout proche et le très lointain est constant (le Japon est déjà présent en Bretagne et à Montmartre, avant même le départ du poète) et l'on comprend bientôt que le pays du Soleil-Levant est aussi l'au-delà, le royaume des ombres, où le poète, tel Orphée ou Virgile, est parti s'aventurer. Un pays qui renvoie aussi bien à l'enfance qu'à ce ciel qui est au terme de la route, avec le risque de s'y perdre « très loin dans le cosmos infini ».