Résumé du livre : En 1925, Marc Bloch, historien du Moyen Âge, fait paraître un article qui illustre parfaitement sa méthode de recherche, sa conception du mythe et, de manière plus étonnante, sa position de savant. Quatre-vingt ans après son exécution par la Gestapo, il est temps de souligner ce que l'anthropologie historique doit à ce chercheur trop tôt disparu en remettant ce texte en lumière. Dans cet article, Marc Bloch pose une question en apparence simple : pourquoi Salomon, roi à la sagesse proverbiale, se voit refuser l'accès au paradis dans de nombreuses légendes médiévales ? Pour y répondre, il rapproche deux récits évoquant le châtiment de Salomon, rédigés respectivement au XIIIe et au XVe siècles. Comme le montre Florence Hulak dans sa préface, cette étude lui permet de déployer une méthode particulièrement audacieuse. D'abord, la science historique doit être une connaissance directe fondée sur l'observation et non une connaissance indirecte fondée sur des témoignages. Ainsi, les légendes médiévales sont intéressantes non pas en tant que récits crédibles, mais en tant que vestiges de la pensée médiévale. Ensuite, la connaissance du présent est un outil indispensable à l'exploration du passé. Ainsi, l'étude des fausses nouvelles diffusées dans les tranchées de la Grande guerre permet à Marc Bloch de mieux comprendre la diffusion des légendes au Moyen Âge. Enfin, la comparaison est au coeur de sa méthode historique : le rapprochement réalisé ici entre deux textes éloignés de plusieurs siècles l'illustre parfaitement. Ces différents outils restent aujourd'hui au coeur de l'anthropologie historique, comme le démontre Julien Théry dans sa postface. Ce texte permet enfin de préciser comment Marc Bloch définit et utilise le concept de mythe. Surtout, à travers la figure de Salomon, c'est la manière dont Bloch envisage sa position de scientifique qui apparaît ici : le roi Salomon, fort d'un sentiment de sagesse infinie, a endossé la posture de juge, posture que se doit de refuser l'historien.