Résumé du livre : Frigyes Karinthy est incontestablement l'un des maîtres de l'humour hongrois, l'équivalent d'un Karl Kraus en Autriche, qui s'inscrit dans la tradition de Rabelais, Voltaire, Swift ou Twain, des auteurs qu'il a d'ailleurs traduits. Ses traits d'esprit sont ravageurs, son humour absurde et son ironie caustique. Il n'est pas rare qu'un brin de folie s'infiltre dans sa métaphysique corrosive du quotidien pour mieux renverser les conventions. Les cinq nouvelles rassemblées dans ce volume sont toutes de la même veine, où Karinthy, sur fond d'un fantastique corrosif, laisse percer sa conscience politique résolument humaniste. Le texte qui donne son titre à l'ensemble est un dialogue entre le directeur d'une entreprise se préparant à lancer sur le marché mondial un produit chimique nouveau fait d'«un peu de production sociale, un peu de purification ethnique, quelques gouttes de néocapitalisme, un zest de technocratie, de la revalorisation économique, un concentré de forces nationales diluées avec du paneuropéanisme» avec une dose d'antisémitisme «pour l'arôme», qu'il compte proposer au plus offrant. On y voit ainsi tous les travers de la politique vouée au populisme et à la réclame, thématique reprise dans «Propagande d'État» et «Technocratie ? Théocratie ?» «Bellit ou les livres magiques» raconte le succès mondial d'un livre qui se vend comme des petits pains et qui devient la Bible de toute la société, jusqu'à ce qu'un jour, des années plus tard, on se décide à en examiner réellement le contenu qui s'avère n'être qu'une formidable accumulation de poncifs, de phrases creuses et de propos incohérents. Enfin, avec le texte intitulé «Chaînons», Karinthy développe la théorie dite des six degrés de séparation, selon laquelle chaque personne sur Terre peut être reliée à n'importe quelle autre à travers une chaîne de relations individuelles comptant au plus six maillons. Comme toujours, il l'aborde sous l'angle de l'absurde, mais cette théorie des réseaux va passionner sociologues et mathématiciens, et constitue même le principe de base de... Facebook !