Résumé du livre : Depuis mes travaux sur la Résistance, j'ai appris à me méfier des souvenirs : ils s'égarent souvent dans le romanesque et l'hyperbole. Sans l'amicale insistance d'historiens - Azéma, Bédarida, Crémieux-Brilhac, Wieviorka -, je n'aurais pas rédigé ces mémoires. Ces amis m'ont fait comprendre la valeur des témoignages, même celui d'un modeste acteur. Simple soldat, puis saboteur, radio, secrétaire, j'appartiens à cette cohorte d'anonymes sans lesquels l'histoire n'existerait pas, même si, après coup, elle en néglige les traces.Voici donc, au jour le jour, trois années de cette vie singulière, qui commença pour moi le 17 juin 1940, avec le refus du discours de Pétain, et s'acheva le 21 juin 1943, avec l'arrestation de Jean Moulin, mon patron. Pour raconter ce passé lointain, j'ai choisi la forme d'un « journal », qui oblige à déplier le temps et à raconter le déroulement précis des heures. Qu'en penser après soixante ans ? J'ai trop critiqué les souvenirs des autres pour être dupe de mes certitudes, et sans doute suis-je moi aussi abusé, comme tous les témoins, par les mirages de la mémoire : là où finissent les documents, commence le « no man's land » du passé, aux repères incertainsPour désigner les acteurs de la Résistance, j'ai choisi d'utiliser leur pseudo le plus connu, au risque de provoquer quelques difficultés de lecture. En dépit de ce défaut, j'ai retenu cette présentation parce que la clandestinité était un mystère et que les pseudos étaient son bouclier. Je crois qu'au prix de quelques obscurités, ce parti-pris restitue avec véracité l'atmosphère ténébreuse de ce théâtre tragique. Le lecteur devrait ainsi pouvoir revivre plus aisément la succession des jours qui furent la trame de « l'aventure incertaine » de ma jeunesse.