Résumé du livre : Dans l'immense entreprise que constitue l'oeuvre de Peter Brown pour comprendre comment s'est constituée la chrétienté occidentale dans l'Antiquité tardive et ce qu'elle a transmis au Moyen Age, la richesse se révèle un fil conducteur hautement significatif. L'ouvrage dresse un panorama fouillé et contrasté des attitudes des païens et des chrétiens à l'égard de la richesse pour en préciser l'impact sur la position sociale des églises chrétiennes dans l'Occident latin à l'époque du déclin de Rome et de la montée du christianisme (entre 350 et 550). Peter Brown aborde la question par périodes successives en croisant les sources les plus diverses (littéraires, juridiques, théologiques, archéologiques, épigraphiques...) Le christianisme, avec son exigeant idéal de pauvreté, apparut dans une société païenne qui connaissait une très forte compétition entre les riches pour manifester ostentatoirement leur générosité envers leur cité et leurs concitoyens (notamment en cas de crise céréalière), mais pas spécialement envers les pauvres. La largesse et la noblesse des riches justifiaient leur richesse. Le christianisme bouleversa profondément cette conception. Les privilèges que Constantin octroya aux églises chrétiennes, après sa conversion, ne leur permirent pas de s'enrichir. Longtemps, les lieux de culte et le souci des pauvres continuèrent à dépendre de la générosité des couches assez basses de la société. Dans le dernier quart du IVe siècle, des riches accédèrent à de hautes positions en tant qu'évêques ou écrivains influents, ce qui constitua un tournant décisif dans le christianisme de l'Europe et permit ainsi à cette nouvelle religion d'envisager la possibilité de son universalité. Les formes chrétiennes du don eurent pour effet de briser les frontières traditionnelles de la cité antique. Tous les croyants, quelle que fût leur condition, furent encouragés à contribuer à l'entretien de l'Eglise et de son clergé ainsi qu'au soin des pauvres, dont la notion s'étendit désormais à tous les démunis. Renoncer à sa richesse sur terre, c'était participer à l'instauration d'une société de "frères" et permettait de se constituer un trésor dans le ciel. A la fin du IVe siècle, l'entrée dans les communautés chrétiennes habituées à un style modeste de charité, d'une nouvelle classe d'hommes enrichis au service de l'empire ne se fit pas en douceur. Les écrits et les actions d'hommes tels qu'Ambroise, Jérôme, Augustin, Paulin de Nole ou les partisans de Pélage (favorables à un ascétisme rigoureux) sont les preuves des fortes controverses qui traversèrent les Eglises chrétiennes au sujet du bon ou du mauvais usage des richesses. Lorsque les aristocraties au service de l'empire s'effondrèrent avec lui, elles laissèrent place aux évêques administrateurs de la fin du Ve et du VIe siècles avec une Eglise disposant d'abondantes richesses dans un monde appauvri et fragmenté. Dans ce paysage, les moines apparurent comme des pauvres professionnels intercédant pour que les riches dont ils attirèrent les richesses pussent passer à travers le trou de l'aiguille. Cette nouvelle forme de l'échange de la richesse contre le salut ouvre déjà vers la chrétienté médiévale.