Résumé du livre : « Paraître l'étranger, tel est mon lot, ma vie ». Ce vers de Gerard Manley Hopkins (1844-1889) semble résumer son destin. Poète non publié de son vivant, inconnu sauf de quelques-uns et soumis, en tant que jésuite, à la discipline et à la censure de son ordre, tout l'empêchait de partager ses dons intellectuels uniques avec les autres, lui qui aspirait pourtant à « faire de la parole, à chaque instant, un acte de relation ». Son oeuvre a obtenu après sa mort l'admiration qu'elle méritait et Hopkins est considéré à juste titre comme l'un des fondateurs de la poésie anglaise moderne. Personne n'avait encore fait de la langue ce qu'il a réussi à faire. « Sa poésie a l'effet de veines d'or pur enchâssées dans des blocs de quartz imprévisibles » avait observé son contemporain Coventry Patmore. La force rythmique et la nouveauté disruptive des vers de Hopkins ont le pouvoir de modifier notre regard et de nous faire ressentir toute chose dans sa fraîcheur flamboyante et son absolue singularité. Ses poèmes sont empreints de tendresse envers la terre, notre fragile humanité et toutes les créatures : la colombe, le faucon crécerelle, l'alouette, les « roses grains de beauté de la truite qui nage »... Il voue la même délicate attention à l'observation et à la description du ciel et des nuages, comme si le poète et le météorologue ne faisaient qu'un. Sensible à la condition des classes laborieuses, radical dans sa critique des obscurantismes sociaux, Hopkins nous surprend aussi par l'écologie du poème qui fait buissonner son écriture, notamment quand il déplore la destruction du paysage dans lequel il vit et qu'il explore avec un amour scrupuleux, plaidant pour « Que vivent encore longtemps herbes folles et lieux sauvages ».Le cahier consacré à Stig Dagerman coïncide avec le centenaire de sa naissance. Le destin tragique de ce grand écrivain suédois - il s'est réfugié dans la mort à l'âge de 31 ans -, témoigne de son déracinement dans un monde ballotté. Dagerman n'a cessé de manifester dans son oeuvre un souci très aigu du monde, de la société et d'autrui. C'est avec une conscience douloureusement lucide qu'il a voulu jeter un regard de vérité sur toute chose, alors même qu'il se sentait tenaillé par un fort sentiment de l'absurdité de l'existence. « J'ai toujours été sensible à l'écriture de Dagerman, à ce mélange de tendresse juvénile, de naïveté et de sarcasme. À son idéalisme. À la clairvoyance avec laquelle il juge son époque troublée de l'après-guerre. » C'est en ces termes que J.M.G. Le Clézio avait tenu à saluer l'écrivain suédois en 2008 lors de la « Conférence Nobel ». Ce cahier d'Europe apporte de précieux éclairages sur le chemin de vie de Dagerman, en particulier sur son engagement anarcho-syndicaliste, et sur les divers aspects de son oeuvre, qu'il s'agisse de ses romans, de ses nouvelles ou de ses reportages - au premier rang desquels Automne allemand -, ou encore de son théâtre, de ses poèmes et de ses projets pour le cinéma.