La société actuelle est dans une frénésie de mesure, avec chiffres et analyses. Pourtant, le sens de la mesure s'érode chez l'homme qui vise toujours plus haut et plus grand sans penser aux conséquences sur le monde qui l'entoure.
"Je n'ai que des assurances de sauvage, d'artiste réveillé par des sensations très anciennes subitement découvertes.
La lumière appelée lire, la lumière appelée écrire."
Henri Thomas, La défeuillée
Venez (re)découvrir les oeuvres magnifiques de ces trois auteurs qui se situent loin de la littérature romanesque à l'obsolescence calculée.
Tho' much is taken, much abides ; and tho'
We are not now that strength which in old days
Moved earth and heaven ; that which we are, we are ;
One equal temper of heroic hearts,
Made weak by time and fate, but strong in will
To strive, to seek, to find, and not to yield.
Beaucoup nous est ôté, mais beaucoup encore nous reste,
Et bien que nous ne soyons plus cette force jadis
Qui remuait terre et ciel, ce que nous sommes, nous le sommes :
Des coeurs confiants d'une même trempe héroique,
Affaiblis par le temps, le destin, mais bien déterminés
A lutter, à chercher, à trouver, sans jamais céder.
Alfred Tennyson, Ulysse (trad. Claude Dandréa)
Chemin faisant, Jacques Lacarrière.
Car la question n'est pas que je sois, en tant qu'homme, fragile, ce qui est posé comme une évidence qu'on doit soustraire au danger de l'oubli, et des catastrophes que l'orgueil par lui suscité entrainerait, mais elle est de déterminer qui je serai, et comment je serai dans cette fragilité, ce que je ferai d'elle, avec elle et par elle... La fragilité humaine, loin de former l'annonce que je serai défait dans le combat, ou l'excuse pour ne pas combattre, est par excellence le lieu même de la lutte pour accomplir son humanité en justice et en vérité. Elle n'est pas seulement ce contre quoi je lutte, mais ce par quoi je lutte et atteins ma dignité.
Jean-louis Chrétien, Fragilité, Les Editions de Minuit
Solitude où je trouve une douceur secrète,
Lieux que j’aimai toujours, ne pourrai-je jamais,
Loin du monde et du bruit, goûter l’ombre et le frais ?
La Fontaine, Le songe d'un habitant du Mogol.
L'impératif de communiquer est une mise en accusation du silence, comme il est une éradication de toute intériorité. Il ne laisse pas le temps de la réflexion ou de la flânerie car le devoir de parole l'emporte. La pensée exige la patience, la délibération. La communication s'effectue toujours dans l'urgence. Dans nos sociétés modernes, une contrainte de parole dicte sa loi, celle de rendre gorge, de faire l'aveu, puisque la "communication" se donne comme la résolution de toutes les difficultés personnelles ou sociales. Elle ne comprend pas que parfois c'est la parole qui est la lacune du silence...
David Le Breton, Du Silence
Chicago, ville cosmopolite, violente, tentaculaire : Les Emeutes raciales de Chicago, juillet 1919 (éditions anamosa) du poète et journaliste américain Carl Sandburg, Abattoirs de Chicago (éditions La Bibliothèque) de Jacques Damade nous font entrer de plain pied dans l'histoire tourmentée de cette ville. Sujet dont bien des auteurs se sont emparés. Partons à la découverte de leurs livres.
"Mais rien ne pouvait venir à bout de cette usine... Peu importait que certains des siens sèment la perturbation; avant que la faillite et la catastrophe soient devenues réalités, tout était arrangé et l'usine se remettait à tourner comme au bon vieux temps... Elle modelait la vie quotidienne des gens d'après sa seule volonté. Elle leur apportait les joies et les peines, la pauvreté et l'opulence, la maladie et les remèdes... C'était l'usine le véritable maître."
Folke Fridell, Une semaine de péché, éditions Plein Chant